dimanche 16 mars 2014

Karma Chapitre 8


Chapitre 8

Le brouillard. Figé, opaque, imperméable. Lumière blanchâtre aveuglante qui ronge froidement les cœurs. Rien ne semble pouvoir le transpercer. Rien qui ne soit humain. Ce n’est pas le cas du vieil Eschei qui nous porte depuis tant de jours. Notre navire progresse lentement. La surface de l’eau est à peine fendue par une proue usée au sel de mer. Un silence de mort règne à bord. Seuls les craquements du bois de bordage chantent pendant l’aurore. La peur. Pure, sincère, authentique. La peur du récif invisible, de la mauvaise manœuvre. La peur de nous réveiller dans l’au-delà sans avoir eu l’occasion de nous couvrir de gloire. La peur de se présenter devant nos divins juges sans avoir accompli nos devoirs. La mort ne fait peur à aucun Norrois. Ce qui nous terrifie, c’est de tomber dans l’oubli. Ne pouvoir chevaucher dans les plaines éternelles à côtés des plus grands héros légendaires, comme Ragnar l’immortel.  Une injure, un déshonneur.

Mes compagnons sont fatigués, crevés, éreintés. La faim a définitivement attaquée nos dernières forces. Les hommes n’ont plus le courage de ramer. Notre voile est à peine tendue par un vent inexistant. La barre de gouvernail laissée à l’abandon. Nous tournons en rond. Ce foutu brouillard ne permet pas de discerner le soleil. Tout au plus un allo brillant quelque part.
Je suis le seul encore debout. La peur et la mort me sont indifférentes. Je vois. Je perçois des vérités plus loin que les simples hommes. Les dieux ne sont rien. La vie n’est rien. Des images se mélangent constamment dans mon esprit. Les destins s’entrecroisent, se cherchent, se suivent. Depuis mes premiers pas, je touche l’imperceptible. J’interprète les messages de dieux qui n’existent pas. Je me suis fermé à la vie des hommes pour m’ouvrir à celle d’autres mondes.

Nous avons progressé pendant  quatre longs cycles en suivant nos côtes. Nous avons marchandé, pillé, commercé. Nous sommes de retour chez nous.  Mais nous nous sommes perdus. Nous cherchons l’entrée du Fjord depuis plusieurs jours. Notre chef Erik m’a demandé de l’accompagner dans cette aventure. Je suis trop vieux pour ces voyages. J’ai pourtant accepté de l’escorter. Non pour lui, mais pour celle qui hante mes nuitées.

Elle danse dans ma tête en un rythme incessant. Elle danse dans mon cœur comme une fleur de printemps. Son odeur est une drogue qui ne cesse de m’enfoncer. Elle danse. Elle bouge. Elle se tortille, elle vole, elle rentre en transe. Elle me regarde depuis tant d’années. Je l’ai vu grandir, s’épanouir, prendre époux et se marier. Mais qu’importe, elle pose constamment ses yeux dans les miens. L’univers nous traverse. Je le sais. Je le sais depuis toujours et je ne le comprends pas. Comme un lien unique qui nous unis. Je la veux. Je la désire.  Il y’a quelque chose de magique.
_Torsten ! Pourquoi les dieux n'écoutent pas mes prières ! Nous allons crever de faim dans ce foutu brouillard éructe dans mon dos le  juvénile seigneur.
Jeune. Très jeune. Trop jeune Erik. Ses interrogations peinent à me toucher. L’année dernière, son père nous a quitté. Un coup mal placé. La gangrène a fini par le ronger. Personne n’a contesté la place de son fils sur le siège de la grande maison. C’est une montagne de muscles, aussi autoritaire que passionné. Un être doué de sensibilité comme d’une parfaite maitrise des armes. J’aime Erik. Mais je n’ai cure de ses considérations de loup assoiffé de gloire. Son rêve d’éternité.
Je fais bonne figure. Je me cache comme toujours. Quelques efforts, il n’y verra rien. Un simple tour.
_J’ai lancé les runes 3 fois depuis notre réveil. Les viscères de l’oiseau capturé nous ont déjà apporté les réponses hier. Suis ton instinct, garde confiance en ta foi Erik. Les dieux t’ont choisi. Tu deviendras un héros. Des générations d’hommes chanteront ta glorieuse mort. Prouves que tu es digne de l’honneur qui t’est accordé.
_Alors pourquoi suis-je incapable de guider mes hommes jusqu’à notre rivage ? Est-ce un tour de Loki pour se moquer de moi ! Pourquoi le brouillard ne se dissipe pas ! Devons-nous lui abandonner nos richesses à ce maudit roi !
Erik ne comprend pas. Erik ne réfléchit pas. Loki et les valkyries ne portent aucune responsabilité dans cette tragédie. Il ne fallait pas lancer une expédition à cette période de l’année. Le temps était bien trop risqué.  Mais Erik est un benêt sans cervelle. Il n’a aucun jugement. Il ne souhaitait pas attendre. Plusieurs fois il est venu  me consulter. Je lui ai répondu que les dieux  porteraient sa main au-delà de nos terres.  Un mensonge. Cela lui a suffi pour monter l’expédition.
_Loki ne regarde que son nombril Erik. Tu es l’héritier des plus grands. Yggdrasil a déjà préparé sa nouvelle branche pour t’y accueillir. Ne doute pas de lui. Mais puisque tu le demandes encore, je vais de nouveau consulter l’arbre monde pour obtenir des réponses.

Je murmure quelques phrases. J’appuie mon effet. Je ferme les yeux. Elle. Son corps de déesse s’agite langoureusement devant moi. Le foyer de la grande maison illumine ses nattes blondes. Tout le clan est présent pour cette dernière soirée. Erik boit. Les hommes boivent. Je la regarde. Elle danse au milieu des étoiles. Son visage enflamme une salle ivre morte. Sa poitrine se soulève en un rythme régulier. Son ventre se tortille gracieusement. Ses jambes dénudées échauffent mon âme. Ses bras m’invitent à la serrer contre mon torse. Son regard embrase le mien. Le lien. Il existe depuis toujours. Des images qui ne cessent de défiler dans ma tête. Un autre monde, une autre vie. Je n’ai pas agi. Je ne sais pas pourquoi. Il y’a toujours ce lit avec son corps allongé dessus au cœur de la nuit.
Elle danse, bouge, s’approche, tournoie, repart, revient. C’est enivrant, excitant, bandant. Je la veux. La danse se finit. Le vert de ses yeux me fixe comme du feu. Elle s’avance. Une dizaine de pas nous séparent. Lèvres pulpeuses, sourire d’ensorceleuse.

Elle me dépasse. Elle m’ignore totalement. Elle s’effondre dans les bras de son amant. Erik. Les deux amoureux s’embrassent fougueusement. Ca rit, ça boit, c’est insouciant. Ca oublie Torsten le devin, juste devant.
_Ah mon vieux tuteur ! Que ferais-je sans toi ! Merci mille fois de m’accompagner ! Tu le ne regretteras pas !
La naïveté d’Erik me sidèrera jusqu’au bout. Je me retourne lentement. Ils sont presque dénudés. L’un de ses seins est libéré, Erik en suce le bout érigé. Elle s’est lovée entre les puissants muscles de son cher et tendre. Elle me regarde, fiévreuse d’amour, de sexe. Elle m’appelle. Je le sais. Elle me fait perdre la tête. Je lisse ma barbe, remet mon masque, redresse ma carrure.  Je me lance.
_C’est un honneur pour moi de suivre tes pas. J’aurais ainsi la chance de connaitre les premiers exploits d’un héros qui chevauchera pour l’éternité au côté d’Odin !
_Ce n’est que le début Torsten!  Tu me guideras à travers les méandres des terres inconnus. Tu connais mieux que personne les messages de l’ombre. Tu parleras au dieu ! Tu seras mon homme de confiance ! Celui qui annoncera mon nom !

Erik. Erik. Erik. Tu ne verras décidément jamais plus loin que ta propre image.
J’ouvre de nouveau mes yeux sur ce sinistre spectacle.  Un navire en perdition, bourré de richesses à en perdre la raison. Vingt guerriers serrés comme des saumons. Visages abattus, volonté perdue. Mon jeune chef à mes côtés, pas mieux que ses fiers boucliers. Il lutte pour ne pas sombrer. Il garde la tête haute, le courage envolé. Il est incapable de se redresser. Plus personne n’y croit. Ce n’est pas la faute à Loki ni aux valkyries, mais la mienne Erik. Tu ne connaissais pas ce chemin à travers le fleuve Lumdia, toujours pris au piège d’un nuage brumeux. Tu ne pouvais pas savoir que je jetterais la moitié des provisions. Tu ne pouvais imaginer que j’empoisonnerais tes hommes. Je ne suis pas parti pour toi, mais pour elle. Mais ça, tu ne le savais pas Erik. Trop occupé à t’admirer.
_Ygddrasil s’est ouvert à mon esprit. Viens avec moi nous avons à parler.

Le jeune loup se lève avec trop difficulté. Une lumière d’espoir dans son regard. C’est bien. Il ne mourra pas dans le désespoir. Nous avançons vers la proue du navire. Nous enjambons les corps décharnés par la faim. Les râles se font timides, inaudibles. Les cuirasses trop lourdes à porter. Le sel ronge autant la peau que les cœurs. Un vrai malheur. J’invite Erik à regarder droit devant lui.
_ Que vois-tu devant nous ?
_Il n’y a rien Torsten ! Rien qu’un brouillard qui nous tue ! Les dieux nous ont abandonné !
_Regarde mieux. C’est à toi que le grand arbre a accordé la lumière qui nous guidera.
_Que veux-tu dire ?
_Regarde droit devant toi ! Penche-toi au plus près de l’eau, touche là. Touche la source de vie ! Les dieux du fleuve sont avec toi. Tu sentiras la bonne direction et le vent se soulèvera. Alors tu nous guideras à travers le voile qui se déchirera. 
Erik s’exécute aussitôt. Avec ses dernières forces, il pousse son corps par-dessus le bastingage. Il effleure l’eau, essaye de s’en asperger. Je m’approche. Je tourne mon regard vers le cœur du navire. Personne ne nous prête attention, c’est ça le pire.  
_Je ne ressens rien Torsten ! Que dois-je faire !
_Rien Erik. C’est à moi d’agir maintenant.
Un mouvement, un simplement mouvement. Je pousse légèrement la montagne de muscles. Une poussette. A peine un plouf qu’il se noie déjà. J’appuie sur son crâne. Je l’empêche de respirer. Il gesticule légèrement. La fatigue est trop grande. Les forces inexistantes. Ma main trop ferme. Je te l’ai dit Erik, je ne suis pas parti pour toi, mais pour elle… Je la désire plus que tout au monde.

Mouvement de calme infini. Plus un bruit. C’est fini. Je me retourne. Aucun des guerriers n’a réagi. Je mime un effroi, je tords mon visage de douleur, j’imprime dans mon regard la peur. Mes cris réveillent les morts. Tous essayent en vain de comprendre, de tenter un dernier geste. Ça se pousse, se bouscule dans la détresse. Ça ne sert à rien. Corde lancée, rames jetées, Erik est tombé.  La tristesse abat les dernières forces. Les hommes se condamnent eux même. Je laisse faire.

Dans l’après-midi je sortirais ma pierre lunaire. Elle indique toujours le nord. Je guiderais silencieusement le navire, je les sortirais de ce calvaire. Une fois chez nous, nous débarquerons sans un mot. Les cœurs saigneront. Elle arrivera en courant. Elle s’effondrera sur le ponton. Elle se griffera, pleurera, hurlera sa douleur, frappera le sol. Je m’approcherais d’elle, je la soutiendrais, je lui expliquerais qu’il a donné sa vie pour nous sauver, qu’il chevauche dorénavant dans la plaine des grands guerriers. Elle verra en moi une épaule, une montagne sur qui se reposer. Nous deviendrons complices. Le temps passera. Je ne suis pas pressé. J’attendrais que les nuages changent de formes, que le soleil réchauffe de nouveau les cœurs. Tu seras alors enfin à moi pour notre plus grand bonheur.  

Des mois ont passé. Je sais qu’elle me rend visite ce soir. Je l’ai senti en me levant, une vision dans le miroir. Nous nous sommes croisés ce matin au bord de l’eau. Quelques échanges, mais rien de plus. Elle m’a effleuré le bras, à rigoler, s’est mise de  nouveau à danser. Ses yeux m’ont appelé. Trop de monde autour de nous. Elle m’a soufflé son envie de nous retrouver en toute intimité…

Je me suis préparé comme jamais. L’eau a coulé abondamment sur le corps, lavé à la feuille de sauge. J’ai raclé chaque centimètre de cette peau tannée par de trop longues années. Barbe taillée, cheveux coiffés, vêtements immaculés.  Je l’attends d’un moment à l’autre. Les braises rougies dans l’âtre offre une belle chaleur. Je regarde danser les flammèches. C’est bientôt l’heure.

Un léger froid me picote le dos. La porte s’ouvre. C’est elle. Si belle, si jeune, si parfaite, si attirante. Ses seins pointent imperceptiblement, ses longues nattes épousent le contour de ses frêles épaules, son sourire m’invite à la saisir. Je l’attire à moi, je la prends dans mes bras, je pose mes lèvres sur sa poitrine. Je saisi ses hanches, ses fesses. Je la caresse. Elle me repousse gentiment, m’oblige à me coucher sur le lit. J’enlève mes vêtements. Enfin ce moment si béni !

Un léger froid me picote la gorge. Un liquide chaud me saisit le cou. Une étrange douleur me parle. Je ne comprends pas. C’est aussi violent que doux. Ma tête tourne légèrement. Le lit se met à tanguer. Le feu suit le mouvement à l’identique. Je me rattrape brusquement au tabouret.  

Un léger froid me picote le corps. Je me tourne comme je peux. Je la vois. Mais son regard… n’est plus le même. Il est fiévreux de haine. Je ne comprends pas. Ma tête tourbillonne un peu plus.
_Qu’est-ce que…
_Torsten Torsten torten. Décidément je te croyais plus intelligent. J’imaginais la chose bien plus difficile à réaliser.
_Pour…quoi ? Tu m’aimes ! Pourquoi !
Elle n’essuie pas la  lame ensanglantée, laisse le sang s’égoutter sur le planchet. Ma tête virevolte rapidement. Mon visage se rapproche dangereusement du sol.
_ Tu as tué mon héros.
_C’é…tait…moi.
_Un vieux croulant comme toi ? Ahah mais comment as-tu pu imaginer une seconde quelque chose entre nous ! Tu as ruiné ma vie !
_ Tes… tes… regards…
Je tombe, je percute le sol. Elle se penche vers moi, sourire froid glacé, une vengeance si bien placée. Elle danse devant moi. Mais ce n’est plus elle qui cambre son corps…
_Pauvre fou que croyais-tu être ? Tu n’étais rien qu’un jouet à exciter. C’était drôle de te voir ainsi espérer !
_J’ai… fais tout cela pour toi…
_Torsten, Torsten, Torsten, tu ne verras décidément jamais plus loin que ta propre image…  

Le noir. Le silence. Je ne comprends pas.  Ma muse pourquoi ne m’as-tu pas reconnu… 

dimanche 23 février 2014

Karma Chapitre 7



Chapitre 7

Terreur. Frisson. Stresse. Tremblement. Adrénaline. Nœud au ventre. Frayeur. Désespoir. Panique. Affolement. Peur.

Le noir. Cagoule sur la tête.

Tout se mélange, impossible de choisir.

Subir, souffrir, faiblir, se noyer, se lover, fermer son esprit. Une main plaquée violement sur la nuque. La tête penchée vers le plancher de la limousine. Je ne résiste pas. Rapport indirect avec mes agresseurs. Juste des indications sommaires, rapides, inaudibles. Impossible de décrire, de se remémorer le moindre élément. Pas une seule odeur familière. Rien à quoi me raccrocher. Le vide.

Tout se bouscule, impossible de me maintenir.

Se calmer. Réfléchir. Respirer. Prendre le temps de comprendre. Poser les bonnes questions. Reprendre le contrôle de la situation. Ne pas se laisser dominer. Depuis combien de temps suis-je ici ? Qui cherche à me nuire ? Franck Demont ? Peut-être, peut-être pas. Quelqu’un d’autre ? Surement. Si  « il » souhaitait m’éliminer alors «il » l’aurait déjà fait. Ce qui n’est pas le cas. Je suis encore en vie. On me kidnappe. On attend donc quelque chose de ma part.  Franck Demont ? Pourquoi le faire aussi violement ? Quelqu’un de différent ? Un nouvel arrivant ?

Tout s’immobilise, possible de s’apaiser.

Les réponses viendront après. Pour le moment une seule est valable : je ne vais pas mourir. Enfin, pas tout de suite. Se raccrocher à ce qui me rassure. Ma bulle. Elle. Ma muse. Je me bats depuis tellement de siècles pour la retrouver. Qu’est-ce qu’une vie de plus dans cette incroyable toile qui compose notre existence ? Quelques heures à rajouter au compteur, rien qui ne soit insurmontable. La peur s’étiole, se déchire, s’efface, disparait. 

Tout s’éclaire, possible de pouvoir agir.

Je maîtrise certains facteurs. J’ai une valeur. Ils ont besoin de moi. Donc je peux négocier.  Donc une porte de sortie. Mon cœur cesse de battre à tout rompre. Mes muscles se détendent.  Mes réflexions se font plus précises, moins tumultueuses. Je ne peux pas bouger, ni toucher, ni sentir, ni voir. Je peux encore…   
  
Écouter.

Le moteur. Puissant, langoureux, rythmé. Froissement d’un cuir tendre. Les sièges paraissent fermes, accrocheurs, neuf. La boite de vitesse est souple, les mécaniques étouffées par l’habitacle. Personne de véritablement important. Aucun son similaire à un verre ingurgité. Pas d’ouverture de mini bar. Ce n’est pas la berline de Demont. Peut-être une voiture de location ?

Écouter.

Les voix. La première s’exprime fortement. Un style posé, trempé, rocailleux, grave. Une autre plus en retrait, feutrée, mesurée. Une dernière éloignée, énergique, agressive, jeune.  3 hommes ?

Ecouter.

Les mouvements du véhicule. Une longue ligne droite. Un tournant. Ralentissement. Stop. Accélération, gauche, ligne droite, ralentissement, arrêt. Accélération, ligne droite, tournant, tournant, ligne droite. Nous ne sommes pas partie de la ville. Peut-être me fait-on tourner en rond pour me désorienter.

Le véhicule s’arrête brutalement. Des mains me tirent vers l’extérieur. La cagoule est solidement vissée sur ma tête. Toujours ce noir oppressant. Je suis poussé vers l’avant sans ménagement. Une deuxième paire de mains m’agrippe avec force. Je marche rapidement. Je prends les escaliers. Je compte machinalement. Différence de gris dans le noir qui m’entoure. Je passe une salle, puis une deuxième. J’avance un peu, on m’assoie dans un fauteuil. Lumière ! La rétine pique, brûle. Des formes se profilent, ombres noires désordonnées.  Une claque fuse. Une deuxième  en aller-retour. Douleur intense et vive, embrasée. Peur intense, animale. 
_T’as une minute pour reprendre tes esprits le génie.

La voix  rocailleuse. Le dominateur. Mes yeux s’acclimatent enfin. L’homme est assez large, style classique, veste taillée, pantalon sérré, cheveux gominés, rasé au millimètre, visage quelque peu lacéré.  Sur sa droite, le plus jeune. Il me regarde fièrement, inquisiteur. Je sens le manipulateur, prêt à saisir la moindre occasion pour se défouler. Sur la gauche un type assez maigre, taille moyenne. Visage coupé à la serpe, pommettes saillantes. La voix rocailleuse me saisit le menton. Plaque son visage contre le mien. Parfum musqué, regard d’un type qui a passé plus de temps à tabasser des têtes qu’à jouer aux cartes avec.
_Tu fais ce que je te dis, tu ne poses pas de questions et dans moins d’une demi-heure tu es dehors.
_Compris.
Je ne cherche absolument pas l’affrontement. Nouvelle information. Je ne vais pas mourir. Obtempérer bien sagement, la clé de ma libération. J’ai déjà mon idée sur ce que l’on attend de moi. Tout se répète. Chaque vie se ressemble. C’est un même mouvement d’infini. Une malédiction que ce don. 
_La cible se trouve au 10eme rang, les sièges du milieu, le 3eme en partant de la gauche. Le film se finit dans 10 minutes. Tu te mêles à la foule et tu prends la carte karmique de la cible. Mes hommes seront à tes côtés. Tu bouges et t’es dans la merde. Tu fais ton job et tout le monde est heureux. C’est bon pour toi ?                
_Tout est parfaitement clair.

Le middle classe me sert un verre d’eau. Aucune expression. Sont-ils envoyés par Demont ? Est-ce sa manière à lui de s’y prendre ? Mon instinct me dit le contraire, la raison l’inverse de ma première impression. Peu de personne sont au courant de ma particularité. L’homme de main de Demont ? Je bois lentement le liquide. J’essaye de faire le tri. Deux options se dessinent. Mieux vaut pour moi que ce soit Demont. J’en doute fortement. Quelque chose ne fonctionne pas. La forme n’est pas la même. Je m’attendais à autre chose. Il sait que j’ai besoin de lui. C’est un autre commanditaire. Mais qui… ?
_Il se magne d’enfiler son verre le magicien ! C’est qu’il doit nous épater, souligne le plus jeune dans un faux rictus qui se voudrait sourire de coin. Il me fixe comme un chasseur fier d’avoir traqué un gros gibier pendant des heures. Une gloire bien ridicule. Une proie sans défense. Une prise pathétique.

Les deux hommes m’escortent. Nous descendons un escalier, puis un autre. Un accès sur la droite. Un couloir assez réduit, suivi d’un sas et d’une double porte battante. Stop. Le plus âgé vérifie le timing. Le plus jeune s’engouffre dans le sas, en revient et m’invite à venir visualiser la cible. Je pénètre à mon tour. L’éclairage d’ambiance est allumé dans la salle. Je pose mon regard sur les sièges. Le centre. Je compte 10. Je file tout de suite à gauche. Le  3ème. Un type assez grand, allure de cadre moyen. Sans âge. Rien d’exceptionnel. Et pourtant. Il possède des secrets, des failles qu’un autre type souhaite visiblement s’approprier. Les époques se renouvellent, les hommes restent les même. Rien ne changera. J’ai réalisé cette mascarade pour tellement de puissants. S’ils savaient…

J’exècre ce que l’on me demande de faire. On me pousse à violer les âmes. Je ne veux plus de cette malédiction. Juste pouvoir la retrouver et vivre enfin avec elle. Ma muse me manque terriblement. J’ai besoin d’elle. Je suis fatigué de lutter contre ses hommes.

La foule s’est levée. Elle défile le long des sièges, sur le devant de la scène. Mes deux anges gardiens me projettent dans l’arène. Je ne quitte pas l’homme du regard. Il descend à son tour. J’accélère le mouvement. Je ne suis qu’à quelques mètres. Je détourne la tête. Ne pas éveiller sa curiosité. Je connais par cœur les mouvements de ce duel particulier. Les deux autres me suivent, presque collés. Ils ne me quittent pas des yeux. Je me place derrière la cible. J’attends le bon moment, le ralentissement provoqué par la sortie. Je me place à côté de la cible légèrement en retrait. Je détermine le membre qui fera le lien. Sa main. Nous arrivons au rétrécissement. La foule se compacte comme un accordéon. L’homme est à son tour happée par l’ouverture. Je fais mine de vouloir le doubler. Les mains de frôlent, je le frappe sèchement.

Une seconde.

Ses vies défilent comme toutes les autres. Douleur, joie, tristesse, violence, jouissance. Ses dernières existences ne sont qu’un mouvement perpétuel. Il répète constamment les mêmes problématiques. Rien de très emballant, un homme tout simplement.
_désolé, je me suis précipité.

Contact coupé.

Une excuse, ma meilleure technique pour sectionner le lien qui nous uni. Trancher net ma communication. Toujours.
_Ah ! Faites attention tout de même me répond la cible ci en s’éloignant.
Elle est encore sous le choc de ce singulier échange.  Je peux comprendre son état. Une décharge électrique où défile la conscience de dizaines d’existences, pas facile.  

Je m’arrête. Mes suiveurs font de même. Je laisse circuler la foule. Elle se dilue lentement. Nous revenons sur nos pas. Le sas, le couloir, les escaliers, l’homme à la voix rocailleuse.  
_Le résumé de sa carte ?  
Je ne m’attendais pas à une demande aussi directe. Plutôt à être mis en ligne avec son patron. J’hésite un peu. Ne pas poser de questions. Plus vite c’est fini, plus vite je suis dehors.
_Une vie comme toutes les autres. Tendance à la paranoïa. 3 vies successives passées à être volé, dupé, trahis. Il ne fait confiance à personne. Certainement d’autoritaire. Il a vécu l’une de ses vies comme souffre-douleur. Il est incapable pour le moment de l’accepter.  Je dirais qu’il commande et ne se laisse jamais dicter des ordres. Un homme dur. Problème au niveau des poumons, peut-être du mal à respirer. Il est mort noyer il n’y a pas si longtemps. Il aime manger aussi. La faim s’est retrouvée au centre de plusieurs existences. Compensation d’une affection réduite voire inexistante. Gros mental, trop de confiance en lui. Point faible concernant sa peur de l’eau. Il corrige quelque peu son chemin actuellement. Il tourne en rond sans accepter certaines vérités.

Le silence. Mes trois ravisseurs me regardent. Curiosité, stupéfaction, impossible de savoir ce qu’ils pensent. Les secondes défilent très lentement. La porte opposée s’ouvre  alors sur… ma cible !

L’homme s’avance tout sourire et parle tranquillement avec les trois autres. Il écarte légèrement le revers de  sa veste, en ressort un micro-cravate. Je ne comprends absolument rien. Le sol se dérobe.  Mon unique chance de sortie explose. Le plus jeune se saisit d’un téléphone, obtient le contact, puis le tend au nouveau venu. Je suis trop éloigné, je n’entends rien. Tout se bouscule. La peur refait surface, vieille amie qui me tuera tôt ou tard. Le visage de ma cible se durcit, laisse place à un homme  de pouvoir. C’est lui le responsable. Il parle encore quelques instants, écoute son interlocuteur religieusement. Il se dirige enfin vers moi. Une allure absolument différente de celle entrevue dans la salle.  Hautain, sûr de lui, vampirique. Je suis terrifié.
_Je me présente, Hervé Brunstein. Je dois avouer que je n’y croyais absolument pas à votre heu… votre truc. Mais force est de reconnaître, je suis totalement bluffé.
L’homme me présente à son tour le portable.
Enfin mes réponses… ou pas.
_Franck Demont. J’espère que ma petite mise en scène en compagnie de mon secrétaire particulier vous a impressionné ?
Demont. Nouveau duel. Reprendre le contrôle, ne rien laisser paraître  Je coupe mes émotions, j’enfoui ma peur là où je peux, comme je peux, si je peux.
_Je n’attendais pas moins venant de vous.
_Vous comprendrez j’espère mon besoin d’obtenir une certaine garantie. Comme une mise à l’épreuve si vous préférez. Il y’a trop d’enjeux dans ce que je souhaite vous demandez. Je ne pouvais me permettre le moindre doute.  
_Ce n’était pas déjà le cas la dernière fois ?
_Vous possédez ce que personne n’a jamais imaginé et vous me l’offrez avec une contrepartie ridicule. Vous possédez une carte dans votre jeu que je ne maîtrise pas : votre loyauté. Ce que vous représentez est inestimable comme parfaitement remplaçable. Ces informations, je pourrais les obtenir. Mais ce serait avec énormément de moyens et d’énergie pour y parvenir. Je n’ai absolument pas de temps à perdre.
Demont marque une pause, place son fameux silence, puis reprend sur un ton plus glacial, sans aucune faiblesse. Violence.
_Je n’apprécie guère d’être doublé, ni d’être pris pour un con. Rappelle-toi bien comment tu t’es pissé dessus il y’a quelques minutes. Grave ce moment dans ta tête de merdeux prétentieux. A la moindre connerie de ta part, je te défonce comme une minable merde qu’on évacue proprement. Tu pourras dire adieu à ton «  super plan ». J’ai cru comprendre que tu ne manqueras à personne. Enfin juste à une seule…
Nouvelle pause.
_Me suis-je bien fais comprendre.
_Je pense que nous nous comprenons oui.
Silence. Demont se radoucit.
_Bien. Dans ce cas, je vous donne rendez-vous  au vernissage de l’exposition Turner au grand palais ce vendredi. 20h. Ne soyez pas en retard, votre véritable cible n’est absolument ce que vous pensez.

Communication finie. Je relève la tête. L’univers ralenti, s’ouvre sur l’impossible. Je suis totalement sous le choc. Incrédule. Demont. Comment ? Comment peut-il être au courant de mon plan !



mardi 21 janvier 2014

Karma Chapitre 6


Chapitre 6


5 ans, 11 mois, 18 jours, 8h26 avant ma mort.

_ Hey, ça t’arracherait les poils du cul de me dire bonjour ou je me le fous profond dans le derrière?  
Cette voix criarde façonnée par des années d’alcool et de cigares bon marché est celle de Mireille Bentuleski. 54 ans, des cheveux ondulés horriblement colorés, un physique maigrichon voir osseux, Mireille Bentuleski est tour à tour agent secret, analyste technico-tactique, caméra de surveillance, système anti-effraction ou alarme de sécurité.  Malgré toutes ces incroyables compétences, Mireille Bentuleski est aussi la concierge d’un immeuble situé au 211 rue Kaber. Elle y réside depuis plus de 36 ans.

Mon immeuble.  

Mireille Bentuleski est un petit bout de femme à fort caractère. Elle fonctionne avec quelques tics voir beaucoup de tocs et manque souvent de tact. A peu près 20 fois par jour, elle sort dans la rue pour «  jeter un coup d’œil » de façon totalement innocente. Durant le week end, elle choisit au hasard un interphone et y sonne pour «  vérifier le bien être des règles de vie en communauté ». Son rituel du matin est le même depuis son tout premier jour : distribuer le courrier en ayant étudié chaque expéditeur pendant de longues minutes. Mais le plus intéressant reste sa communication. Elle n’hésite jamais à informer les habitants de la situation présente.
_ Cradossez pas l’entrée ! J’ai passé la matinée à l’astiquer comme une pute de chez Michou! J’ai le derrière en feu à force de me pencher !

Jaime beaucoup Mireille.

Nous avons une singulière histoire elle et moi. Je la connais depuis une dizaine de vies. Je ne sais pas pourquoi exactement.  Nous nous croisons s’en cesse avec ce même rapport de franche camaraderie. Mireille n’a absolument pas conscience de cette relation. A chaque nouvelle existence, j’espère pouvoir retrouver cette collaboration. Mireille m’aide énormément. Sans le savoir, elle prépare minutieusement mon plan. Mireille est une chercheuse. Je n’ai jamais vu quelqu’un être aussi performante dans ce domaine. Elle déniche la moindre parcelle d’informations sur n’importe quel sujet. Elle prendra le temps nécessaire, peut être plusieurs années, mais elle trouvera des réponses. Un don qu’elle trimballe inexplicablement de vies en vies.

Il y’a 2 semaines j’ai demandé à Mireille un service. Rien de très compliqué. Rassembler le maximum d’informations sur Sabrina Demont…
15 jours d’attente et de questionnements sur celle qui ne cesse de me hanter. 15 jours à revivre les 15 secondes où je l’ai croisé. 15 jours à ne plus dormir, à m’alimenter du strict minimum, à laisser le temps suspendu. Un soupir. 15 jours à attendre des nouvelles de Mireille.

Jusqu’à ce matin.

_Salut Mireille ! Désolé, pas encore réveillé, les nuits sont un peu dures en ce moment.
_ Mon cul oui ! C’est autre chose qui est dur ! Tu crois que j’ai pas capté ton petit jeu ? T’as envie de copuler ! Je le sens comme mon petit neveu quand il tourne autour de sa cousine. Une connerie !
_ Heu oui c’est…, enfin cousin et cousine… c’est.
_ Nan tu captes rien. Elle est super moche la gamine. Puis elle ne sait pas aligner trois mots sans dire Lolo.
_ Lol ?
_ Ouais ce truc-là. Bref, tu vas aussi en faire une de mega de connerie…
_ Ah ? Non non je te rassure elle n’est pas moche !
_ Ouais enfin elle a réussi à te faire tourner le kiki !
_Mireille ! Il est à peine 8h30 !
_Arrête de pleurer ta mère. Rentre donc que je t’explique dans quoi tu viens de te fourrer…

Mireille n’attend pas la réponse. Elle me pousse de force dans son antre. Je connais parfaitement ce curieux petit studio de fond de cours. Mireille est fan de Johnny Halliday. Sa tapisserie a été spécialement réalisée sur mesure à partir des clichés d’un concert de 1977. Sa porte est ornée d’un casque de moto des années 70, son mobilier, du formica authentique de l’époque. Sa couette de lit, un portrait géant du chanteur. Tout chez Mireille respire Johnny. Sauf que.
_Tiens, tu connais pas la nouvelle ? Johnny va s’acheter une nouvelle villa aux states ! Quel con je te jure ! Foutre mon pognon dans une villa ! J’ai fait le calcul. Avec tout ce que je lui ai acheté cette année, je suis propriétaire d’au moins 0.02% de sa baraque. En gros, ça me fait une rangé de parpaings ! Tu te rends compte ! Mais quel con ! Il aurait pu offrir un bijou à Laetitia !

Mireille râle toujours après son idole.

Je m’installe dans un fauteuil en osier. Je regarde émerveillé tout cet univers qui me parait décalé avec la personnalité d’une gardienne à l’intelligence hors du commun.
_Tu ne devais pas arrêter définitivement Johnny ? La dernière fois tu voulais lui parler d’homme à homme…
_J’ai dit ça moi ? Quand est ce que j’ai dit ça ? J’ai jamais dit ça répond vigoureusement Mireille tout en ouvrant son frigo.
_Heu il y’a deux semaines je crois…
        _ Tu te trompes gamins, c’était pas moi ou alors dans tes rêves.  Et si c’est le cas t’as intérêt à m’expliquer ce que je foutais au milieu de tes fantasmes. Tu veux quoi ? une 16 ? de la despé ? J’ai de la triple de Maredsous si tu veux…
_ heu… un café. 
_Je répète : 16, despé, Maredsous…
_C’est le matin !
_Tu veux ton dossier ?
_Maredsous…

Mireille pose deux larges verres sur la table basse. Avec ses dents, elle décapsule facilement les deux bouteilles. Je connais son astuce. Je reste toujours épaté par sa technique. Le bruit de la mousse temporise quelque peu l’énergie de la gardienne. Elle ne dit plus un mot, savoure presque ce moment. Elle fouille dans une boite recouverte d’un vieux cuir, en ressort un cigare de taille moyenne et l’allume religieusement.
_T’en veux un ?
_ Je ne fume pas Mireille…
_Tu devrais, c’est bon pour la santé.
Sans rajouter plus de sarcasmes à sa remarque, elle se dirige vers son secrétaire, ouvre un tiroir et en sort un épais dossier. Elle le pose négligemment sur la table puis s’affale dans son sofa en allongeant les pieds.  Elle tire sur son cigare.  
_Voilà, tu as tout dedans.

Je saisis le graal. Je tremble. J’enlève nerveusement les élastiques. Je l’ouvre. Un tas de feuilles, des photos, une carte sd, une clé usb. J’hésite.
Mireille souffle une énorme bouffé. Elle me regarde. Un sourire de coin mêlé à de l’espièglerie. C’est Mireille qui a trouvé le moyen d’approcher Franck Demont. C’est encore elle qui a trouvé le club de boxe. C’est enfin elle qui a déniché les informations sur «  mademoiselle Demont ».
         _Vu ta réaction et vu le bordel que j’ai dû remuer pour trouver ce qui t’intéresse, c’est celle que tu cherchais depuis tout ce temps. J’aurais dû m’en douter. Ca ne pouvait être que ça… y’a toujours une histoire de cul quand un mec se décide à bouger…

Mireille est l’unique personne au monde à connaitre une partie de mon secret. Elle sait que je recherche ma muse.  Je lui ai inventé une petite histoire de princesse imaginée par un petit garçon. La seule qui pourrait faire battre son cœur. Un conte pour enfant qu’un adulte espère vivre. Et puis, sous ses airs de camionneur, Mireille est une grande romantique qui aime les belles histoires.

Je remercie mon amie du fond du cœur. Je remarque qu’elle tient un autre document plus fin entre ses doigts. Elle sent ma curiosité.  
         _Après Don juan. Regarde déjà ce que je t’ai déniché. La cerise à la fin. Même si j’aurais aimé que s’en soit une…

Je me penche sur le dossier.

Sabrina Demont. 33 ans. Documentaliste à la grande Bibliothèque nationale. Fille unique de Franck Demont. Mère décédée.

Parcours scolaire atypique. Première de classe mais rate curieusement les études supérieures.  Comportement rebelle pendant son adolescence sans être véritablement passée aux actes. Elle rencontre Hanz Gibson, un ultra activiste suédois, proche de certaines branches du radicalisme écologique. A ses côtés, elle s’engage pour l’ONG World Safe Beauty. Nombreuses actions et revendications divers. Arrêtée 3 fois pour désordre sur la voie public, fichée comme activiste. Sabrina est en première ligne d’une manifestation altermondialiste pendant le rassemblement du G8 à Rio. Elle est identifiée par les forces spéciales et mise en détention. Elle est jugée 6 mois après et écope de 3 années fermes. Son père intervient en toute discrétion pour la faire libérer. 1 an plus tard. Elle est soupçonnée  de détournement de fonds au profit de la nouvelle ONG montée par Hanz. Non-lieu pendant le procès. L’ombre de Franck Demont plane encore.

Plusieurs séjours à l’étranger pour diverses organisations. Elle rentre enfin en France et se pose chez sa mère, Stéphanie Demont. Celle-ci meurt la même année lors d’un séjour en thalassothérapie.  
Sabrina sombre. Alcoolisme. Substances illicites. Actes de vandalisme,  encore une fois couvert par… Franck Demont. 3 ans s’écoulent. Elle obtient miraculeusement un diplôme de documentaliste. Elle est embauchée à la bibliothèque nationale. Aucun poste n’était à pourvoir à ce moment-là.

Je saisi les documents un par un. Le tableau qui se dresse devant moi m’effraye complètement. Le visage de ma muse se décompose en de multiples facettes.
_Alors Roméo ? Toujours sous le charme me lance très sérieusement Mireille.  
Je ne sais quoi lui répondre. Je ne sais plus. L’effet de la découverte est un passage difficile lorsque je rencontre ma muse. Parfois je suis directement fasciné. Parfois je reste interloqué. Et parfois je fais plusieurs pas en arrière et je cours sans me retourner. Aujourd’hui, c’est une inconnue extrémiste et émotionnellement instable qui se présente à moi.
_ On a tous notre propre chemin. Ce n’est pas le verre qui est important. Mais l’eau qui est dedans.
_Du calme BHL, on n’est pas dans un cours de philo ici. T’es tombé amoureux d’une nana plus proche de l’explosion nucléaire que d’un pet de nouveau-né. Ton problème il est là. Mais bon, il y’a pire que la merde que tu snifes depuis 15 jours.

Mireille me tend le document qu’elle tenait précieusement. C’est une enveloppe kraft assez grande. Ce qui est enfermé à l’intérieur semble rigide. J’ouvre et je tire le contenu. Une radio d’hôpital. L’intérieur d’un corps. Des taches noires dessus. Elles s’étendent au niveau des poumons. Un cancer. Je regarde l’étiquette d’identification. Mon cerceau s’affole.
_IRM datant de l’année dernière. Elle est condamnée. Il lui reste 5 ans à vivre maximum. Elle refuse tout traitement. Je ne sais pas trop à quoi elle joue ta princesse, mais elle se laisse mourir. Elle se suicide. Je suis désolé pour toi gamin, t’as pas tiré la bonne cerise…

J’ai du mal à réaliser. L’euphorie qui m’a poussé à prendre un verre chez Johnny devient indigeste. Une remonté d’aigreur acide me traverse. Je respire difficilement. 5 ans. Rien d’autre. Mes jambes chancellent. Je dois agir et tout de suite. Je me lève rapidement. Je ne finis pas mon verre. Je prends soigneusement les documents.
_Comme à chaque fois Mireille, un grand merci. Tu es absolument extraordinaire.
_Mouais. J’en sais rien. Ce que je ne sais pas par contre, c’est ce que tu vas décider. Parce que de l’extraordinaire tu vas en avoir besoin, et certainement pas de ma cam à moi. Mais de la véritable.

Le silence. J’ai besoin de silence. D’être au calme complet pour réfléchir. Pourquoi ? Pourquoi encore un foutu problème improbable. Qu’ai-je raté dans mes précédentes vies pour devoir accomplir ce qui est impossible dans ce monde. Braver la mort. Une nouvelle fois. J’ai loupé un embranchement. Je ne comprends pas ce que j’ai pu ne pas voir. Je sors de chez mon amie sans même m’en apercevoir. Je longe la rue sans le comprendre. Il pleut. 5 ans.  Je ne pourrais jamais réussir à corriger sa carte karmique en si peu de temps. Je dois repenser tous les facteurs, tout ce que j’ai mis en place depuis le début de cette histoire. Il me faut de la tranquillité. Absolument. Le bruit de la rue m’agresse. Le clapotis des goutes m’insupporte. Je marche droit devant. Je me dirige vers le seul lieu qui me permet de tout visualiser. Un pub répondant au doux nom de Black Mulligan.

Une voiture me dépasse brusquement. Une berline aux  vitres teintées. Elle s’arrête subitement. Crissement de pneu. Une main se plaque violement sur mon visage. Une autre m’agrippe le bras fermement. La porte arrière du véhicule s’ouvre. Je suis balancé dedans…

dimanche 22 décembre 2013

Karma Chapitre 5


Chapitre 5

Le marteau tape lourdement sur la barre d’acier. Les muscles de mon avant-bras sont tendus au maximum. Je m’arrête quelques instants. J’ai les mains moites. J’essuie la sueur sur un tablier de cuir gras. Il y’a de la saleté à mes pieds. Elle se mélange constamment à la terre battue et se colle comme la poisse à mes vieilles brogues gauloises. Je les sais usées depuis trop d’années mais je ne veux pas en changer.  Je saisi de nouveau le manche de la masse. Je soupèse son poids pour me l’approprier. Je frappe. Encore. Puis encore. J’essaye de redresser le métal à l’horizontal pour l’accoupler avec le chambranle de la porte de l’étal. Je viens d’y clouer trois longues planches de bois taillées dans le cœur d’un jeune chêne. La porte a été partiellement détruite hier soir. D’abord un violent coup de pied, puis quasiment arrachée par la force des poings. J’étais présent, j’ai tout vu. Je n’ai rien fais. J’ai laissé ce sale con de voisin se déchainer. Je suis resté devant sans bouger. Non pas que j’étais terrorisé, mais ça m’amusait de savoir qu’il ne ferait rien de plus. Il ne peut pas me toucher.

Je suis chef de clan Namnète, un celte armoricain. Un titre sans valeur. Un nom qui ne signifie plus rien. Nous sommes devenus un obscur point moustachu dans le grand empire romain. Je ne représente plus personne. J’habite à Portus Nametum, une petite cité fluviale non loin de la mer. J’occupe avec ma femme Caelia une modeste maison à deux étages dans une rue adjacente de la viae consularé. Je suis un Pistore, une sorte d’ancêtre du boulanger.  Je n’aime pas mon métier, je le déteste. Cette foutu odeur de pain cuit ne me quitte jamais. Je n’ai pas le choix. Mon père l’était avant moi, comme le sien et celui d’avant aussi. Je me dis souvent que la vie serait tellement plus agréable si l’on pouvait choisir sa profession. Sauf que cela m’est impossible.

Je frappe encore. J’essaye de tordre cette barre. Je n’y parviens pas. Je repose mes muscles. Dehors, le vent s’est quelque peu levé. Il drague les effluves de la rue comme je le fais avec ma petite Nausum lorsqu’elle tangue sur le fleuve. Le bruit des charrettes attirent mon attention. Ca cri, ça hurle. De la colère. Une roue s’est enfoncée, bloquée par une pierre.
Le temps est maussade en pleine période de solstice d’hiver. Le ciel s’obscurcit soudain. Ce n’est pas l’orage qui pointe son nez, mais c’est tout comme. Ma femme, Caelia. Elle est habillée d’une robe en lin, couleur rouge vif. Un choix qui lui va si bien…
_ Tu t’amuses bien ? Tu trouves ça drôle ? Tu me fais honte Ceidio !
_Ce n’était pas grand-chose Caelia. Il le méritait. Tout le monde le pense, personne ne fait rien.
_Et ? C’est leur problème, pas le nôtre ! C’est elle qui lui manque de respect ! Pas l’inverse !
_Ça n’empêche que Justinia elle…
_Elle quoi ? Elle montre son cul à tous les hommes qui lui passent sous le nez !
_Elle n’est pas comme ça, arrête.
_ Ah oui ? Et qui l’a encore surprise l’autre matin à gémir comme une truie ?  
_ C’est à cause des fenêtres !
_ Mais bien sûr !
_ C’est l’odeur de poisson de son mari qui s’imprègne dans les étages. C’est juste une histoire de queue qui…
_ Stop ! Je te vois venir là avec ton jeu de mot ! Tu m’énerves ! Si je te prends un jour avec elle…

Caelia ne finit pas sa phrase. Elle dépose brutalement un pichet d’eau, du pain, des pommes et repart comme elle est venue, façon Vésuve en éruption. Elle se calmera. J’aime bien la pousser, faire ressortir sa colère. Je souris intérieurement. Je dédramatise toujours  avec un peu d’humour. Dans cette vie, je passe par la légèreté. Je ne peux pas m’empêcher de faire ce qui est interdit. Je n’ai pu m’empêcher de donner une bonne leçon à ce salaud de Braith. Il bat sa femme Justinia. Tous les jours la rue entend ses cris déchirants. Tous les jours je la regarde. Tous les jours mon cœur se crispe. Ce n’est pas la première fois que je ridiculise Braith publiquement. J’aime bien m’amuser avec lui. Je vole une partie de ses produits, je détache régulièrement les ferronneries de sa charrette, je le bloque dans son établi. Il se croit à la merci des dieux, un type maudit. Un pauvre type tout court.
Hier matin, mon voisin a pu admirer mes talents d’artiste sur sa devanture. Un homme cherchant son phallus sur le sol, n’ayant pas vu qu’il était sur lui, car ridiculement petit.

Justinia est brune, les cheveux bouclés, assez grande, le visage poupin, tout en rondeur, des yeux perçants, une poitrine généreuse. Un corps jalousé par les femmes de la rue. Elle a été offerte à Braith le jour de ses 12 ans. Un homme sans intelligence, une brute épaisse qui ne comprend rien à la sensibilité féminine, ni  à celle des hommes d’ailleurs. Une histoire de famille aussi semblable qu’une autre. Ce serait tellement plus simple si l’on avait le choix de l’être aimé. Mais ce ne sera jamais le cas.

Tous les hommes du coin ont chauffé un jour ou l’autre la couche de Justinia. Sa manière à elle d’exprimer sa tristesse, son dégout, sa haine contre cette alliance sans amour. Mes yeux mangent son corps depuis dix longues années. Je suis le seul qui n’ait jamais osé le lui demander. Je n’en ai pas envie. Je ne veux pas de ça. Pas avec elle. Tous les jours nous croisons nos regards. Pas un mot, pas une phrase, pas un son. Juste des expressions, du ressenti. De l’amour ?

Je frappe encore et encore. La barre se redresse doucement. Je lève instinctivement la tête vers la demeure de Justinia. Elle est là, penchée gracieusement à sa fenêtre. Elle me fixe. Ce n’est pas un appel pour la visiter. Ce n’est pas un jeu de séduction. Elle m’attend pour partir loin d’ici, je le sais…
Un mouvement derrière elle. Mon cher voisin. Il la plaque de force sur l’encadrement, relève les pans de sa robe, écarte ses jambes. Elle ne dit rien, se laisse faire. Elle me fixe toujours. Elle ne prononcera aucun mot, ne criera pas. Lui n’espère que ça. Montrer, prouver à tous qu’il domine la salope, celle qui fait fantasmer tous les hommes du quartier. Celle qui restera sa femme. Elle lui refuse cette marque de soumission depuis dix ans. Elle se fait culbuter. Elle reste impassible. Elle me regarde sans détourner une seul fois ses yeux. J’y décerne un début de larmes. Elles ne couleront pas le long des joues. Il y’a cette lumière indéfinissable dans le cristallin bleu de ses yeux. C’est une offre. Celle de son cœur. Il est pour moi. Je l’ai toujours su, à l’instant où elle a posé ses pieds ici, où nos visages se sont croisés pour la première fois. 

Je détourne nerveusement mon attention.  Je ne veux pas y penser. J’essaye de me reconcentrer sur ma tâche. Je lutte pour ne pas relever la tête. Je frappe de toutes mes forces sur ce bout de métal qui ne veut pas céder. Pourquoi ? J’y mets toute ma rage, mais rien ne bouge. Pourquoi suis-je incapable de réparer le plus simple des problèmes ? Pourquoi suis incapable de faire ce que je veux… 

Je frappe.

Elle me regarde.

Je frappe.

Elle me regarde.

 Je frappe.

C’est fini.

La barre est redressée. J’accouple les morceaux en tenant fermement les deux parties collées l’une à l’autre. Je dois forcer les matières à s’assembler. Elle n’est plus à la fenêtre. Je n’ai pas besoin de le vérifier, je ne ressens plus sa présence. Je l’imagine étalée sur sa couche, inerte, sans vie. Elle se lèvera dans plusieurs minutes, se lavera et reprendra le cours de son existence.
J’entends la porte de mon voisin claquer. Ses pas de gros porc suintant la crasse martèlent le pavé et s’éloignent dans la rue. Je pourrais attendre un peu, tout lâcher, aller la retrouver, la prendre dans mes bras, lui dire combien je l’aime, lui saisir brutalement sa main et m’enfuir avec elle. Je pourrais. Mais je ne peux pas. Ce serait tellement plus facile si l’on pouvait maîtriser sa vie…

Je rentre chez moi. Toujours la même odeur. Je m’installe à table. Toujours le même repas. Je regarde Caelia. Toujours le même visage. Je me couche. Toujours ce même moment. Est-ce que j’aime encore Caelia ? Oui, enfin je crois. Elle me rassure, me réconforte. Je sais où je suis, où est ma place. C’est important. Je ferme les yeux. Je m’endors. Je ne peux m’empêcher de songer à Justinia.

J’y pense pendant des semaines, des mois. Je vends mon pain, je la regarde. Je refais la toiture après le passage des tempêtes de printemps, je ne fais que lever la tête vers sa fenêtre. Je prépare les fêtes du solstice d’été, je pourrais décrire le moindre de ses gestes.

Je me pose quelques instants après une dure journée. Je suis à l’ombre sous le portique de mon étal. Il fait chaud en cette période. Le soleil brûle la peau. La terre lézarde sous les pieds. La poussière s’imprègne dans le moindre interstice. Je ne sais pas pourquoi, mais je perçois intimement cette sensation de lourdeur. La même étrangeté qui me fait penser à Justinia. L’impression de la connaitre depuis toujours. Je l’attends comme elle m’attend. Des images dans la tête. Celle d’une fille allongée sur ce sol craquelé, morte, un garçon qui lui court après, terrorisé par ce qu’il comprend. Il s’est précipité et n’a pu la sauver. Une scène que je revis dans mes rêves de plus en plus souvent. C’est assez flou, incompréhensible. Une angoisse qui me ronge les tripes depuis dix ans. La peur de découvrir un jour Justinia, morte et de n’avoir pu la sauver. Les cris résonnent de nouveau, plus durs, plus violents, plus sombres. Je serre mes phalanges de colère. Ça me prend à la gorge, au ventre. Je veux tout casser, tout exploser.

Je ne ferais rien, comme d’habitude. Je voudrais mais je n’y crois pas. Ça serait si simple si je possédais ce courage qui me manque et qui me fait défaut constamment. Je dois attendre le bon moment. Ne pas me précipiter comme le garçon… Un jour je serais prêt. Enfin, je crois.

Je rentre tard chez moi. Caelia n’est pas présente. Cela ne lui ressemble pas. Je mange quelques fruits secs, du fromage, du chou bouilli, une tranche de viande salée. Ma femme ne donne pas signe de vie. Je me couche. Je suis seul. Je garde les yeux grands ouverts rivés sur les poutres du plafond. Que faire ? Caelia n’est jamais en retard et encore moins absente. Où est-elle ? Je ne sais pas si j’ai peur ou si je me sens bien. Je ne devrais pas le dire. Justinia. Je pense à Justinia au lieu de m’inquiéter pour Caelia ! Et si c’était le signe que j’attendais depuis toujours ? Et si je me levais là, maintenant, tout de suite ? Et si je prenais mes affaires pour m’enfuir avec elle ? Personne pour nous surprendre. Personne pour connaitre notre direction. S’enfoncer dans la nuit et disparaître sur les routes pour ne plus revenir.

Une seule chance. Ma seule chance. Notre seule chance. Pas un bruit. Le silence. Aucun mouvement. Le moment.

Je prends précipitamment une besace, j’y fourre quelques morceaux de pain, du fromage, je remplis une poche d’eau, j’enfile un vêtement chaud. Je sors. La pleine lune. Un ciel étoilé sans nuage. J’inspecte la rue. Personne. Pas âme qui vive à cette heure si tardive. Je traverse comme un fantôme les quelques mètres qui me séparent de chez Justinia. Mon plan est simple. Je rentre, je ne fais aucun bruit, je bâillonne mon voisin par surprise, je prends la main de Justinia, je lui dis que je l’aime et je m’enfuis avec elle. Je me sens bien. Je suis prêt, enfin.

Je rentre.

Aucun bruit. Pas même un ronflement.

Je monte prudemment le petit escalier de bois. Le craquement des lattes fait exploser les battements de mon cœur. Mes muscles chancellent. Ma tête tourne.  Je pénètre dans la loggia haute. Une étrange sensation m’agresse. Tout est si calme, si gris. La lueur blafarde de la lune dessine une forme distordue sur la couche.  Quelque chose ne va pas. Une alerte, un danger. Une odeur.

J’avance légèrement.

Justinia ?

Je discerne un corps. Les bras ballants, le torse contorsionné, les jambes écartées. Ça n'a rien de naturel. 

Je m’approche fébrilement.

Justinia !

Je porte les mains à la bouche pour étouffer ma stupéfaction. L’horreur. Ne pas crier. Elle est bâillonnée, inerte, la peau tuméfiée. Un mince filet de sang coule délicatement sur le bandeau, la joue, la couche. Ses yeux sont grands ouverts, livides. Je suis pris d’une indescriptible envie de vomir. Je détourne le regard. J’attends quelques secondes. Je suis totalement perdu. Je me penche finalement vers elle, je détache le linge de sa bouche. Je tremble.

Justinia est morte.
  
Je ne comprends pas. Que s’est-il passé ? Pourquoi elle ! Pourquoi suis arrivé trop tard ? Pourquoi ! Je la prends fébrilement dans mes bras. Je ne sais plus. Je perds la tête. Je veux pleurer. Mourir.  Tout s’écroule. Mon attention s’arrête soudainement sur le bâillon que je tiens encore fermement dans la main droite.

Il est rouge. Rouge vif. Il est en lin. Il est en lin rouge comme la robe de… Caelia ! En un instant je réalise tout l’étendu de la farce qui s'est jouée cette nuit. Caelia est parti avec Braith… Caelia me fait payer ma folie et ma lâcheté ! Caelia que j’ai négligé, me plante à sa manière toute la haine qu’elle a emmagasinée. 

Tout aurait été si différent si je n’avais pas eu peur d’être libre pour celle que j’aimais…

Je suis pris d’une rage incontrôlée, je craque dans ma tête. Je me lève furieusement, je frappe comme un fou contre les murs. Des images se bousculent. Celle du garçon et de la fille. Mais pas que. Je saisis enfin la destinée de ces visions ! Je me revois tomber sur ce sol devant ma muse qui s’effondre ! Je vois aussi l’après, le futur ! Il y’a de neige, une montagne, d’énormes murs… je tombe d’épuisement… je sombre. Je te retrouverais. Je ne referais pas la même erreur, je te le promets.